Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
thierry-murcia-recherches-historico-bibliques.over-blog.com

Recherches historiques autour de la Bible, de Jésus et des premiers chrétiens

Rennes le château - Conférence : Jésus, les miracles élucidés par la médecine ? (3/6)

Jésus guérit un aveugle. Mosaïque, première moitié du VIe siècle. Basilique Saint- Apollinaire-le-Neuf de Ravenne

Jésus guérit un aveugle. Mosaïque, première moitié du VIe siècle. Basilique Saint- Apollinaire-le-Neuf de Ravenne

Rennes le château

Conférence :

Jésus, les miracles élucidés par la médecine ? (3/6)

 

Les aveugles (2e Partie)

 

 

Je vais à présent partir de cas concrets et, pour commencer, des récits évangéliques de guérison concernant des aveugles. Le récit que j’ai d’abord choisi pour illustrer mon propos figure dans l’Évangile de Marc, au chapitre 8, versets 22 à 25.

 

« Ils se rendirent à Bethsaïda ; et on amena Jésus vers un aveugle qu’on le pria de toucher. Il prit l’aveugle par la main, et le conduisit hors du village ; puis il lui mit de la salive sur les yeux, lui imposa les mains, et lui demanda s’il voyait quelque chose. Il regarda, et dit : J’aperçois les hommes, mais j’en vois comme des arbres, et qui marchent. Jésus lui mit de nouveau les mains sur les yeux ; et, quand l’aveugle regarda fixement, il fut rétabli, et vit tout distinctement ».

Marc 8 : 22‑25.

 

Ici aussi, la traduction pourrait nous jouer des tours. Que signifie exactement, en grec, le mot traduit par « aveugle » dans l’Évangile ? Tuphlos, en grec, désigne d’abord tout ce qui est fermé, bouché, obstrué par un obstacle quelconque. Le terme peut s’appliquer à toute personne souffrant d’une affection oculaire (ophtalmie, kératite) et privée de la vue de façon provisoire ou définitive. Un tuphlos n’est donc pas nécessairement un aveugle au sens médical ou nous l’entendons aujourd’hui. C’est une des raisons pour lesquelles les « aveugles » étaient beaucoup plus nombreux dans l’Antiquité qu’aujourd’hui. Les cas de conjonctivites étaient très fréquents en ces temps où la plupart des principes d’hygiène, surtout au sein du petit peuple, n’étaient, par ignorance, pas respectés.

 

Je fais fréquemment référence, dans mes travaux, aux grands médecins et chirurgiens de l’Antiquité qui, contrairement à une idée reçue, étaient loin d’être des ignorants : Hippocrate (ve s. av. J.-C.), surnommé « le père de la médecine », qui nous a laissé – lui ou son école – une quantité d’écrits importante comme trois fois la Bible. Celsus, médecin latin surnommé le « Cicéron de la médecine » et qui se trouve être contemporain de Jésus (ier s. av.- ier s. apr. J.-C.). Galien de Pergame, le médecin des Césars, qui nous a également laissé de nombreux ouvrages. Il est vrai que, sur certains points, les connaissances de ces savants étaient erronées et qu’elles tenaient parfois davantage de la superstition que de la Science. Dans la pratique, cependant, ils guérissaient de nombreux malades. Ophtalmies et luxations, par exemple, n’avaient pour eux aucun secret. C’étaient, de fait, de bons praticiens, comme le reconnaissent d’ailleurs les historiens de la médecine et de la chirurgie qui se sont penchés sur leurs écrits : le professeur Jean-Charles Sournia, de l’Académie de médecine (mort en juin 2000), ainsi que Claude d’Allaines, chirurgien des Hôpitaux et professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Paris. Nul doute, néanmoins, que ces antiques savants étaient bien meilleurs chirurgiens que médecins.

 

Des opérations chirurgicales étaient également pratiquées dans les temples consacrés au dieu de la médecine Asclépios. Les prêtres qui y officiaient, en effet, étaient aussi chirurgiens. On droguait le patient avant de se livrer à toutes sortes d’interventions. Nous disposons de nombreux témoignages littéraires et épigraphiques et des instruments chirurgicaux ont été retrouvés dans les fouilles. Des « aveugles », des « paralytiques » (nous verrons ce que nous devons entendre par ce substantif dans le grec d’origine), des hydropiques, des malades en tout genre ont ainsi été traités et guéris au nom d’Asclépios. Pour le scribe chargé de faire la publicité du dieu et de son temple, de même que pour la personne rétablie, la guérison n’est rien moins qu’un miracle. En le rétablissant, le dieu-guérisseur a en effet répondu aux prières du suppliant, soit directement, soit le plus souvent par les mains de ses officiants. Les prêtres du dieu Sérapis et de la déesse Isis étaient également réputés et leurs services appréciés. C’est dans ce contexte médical et religieux qu’il faut resituer les guérisons accomplies par Jésus.

 

Dans l’Évangile, aussi, le traitement administré à l’aveugle peut être assimilé à un acte médical. Jésus, en effet – Marc ne le cache pas – applique de la salive sur les yeux du patient. Puis, il les frotte énergiquement, les masse et renouvelle l’opération jusqu’au recouvrement de la vue. Le traitement est basique, élémentaire, mais efficace, surtout si les yeux du malade sont encombrés de croûtes. Outre l’action hydratante de la salive – qui dissout celles-ci et soulage l’œil – et l’effet bénéfique de la friction, la salive, comme les larmes, contient deux protéines essentielles impliquées dans la défense contre les infections bactériennes : le lysozyme et la lactotransferrine.

 

De nombreux cas antiques et médiévaux de guérisons d’aveugles font intervenir la salive. Celle-ci joue également un rôle essentiel dans l’un des rares cas de guérison miraculeuse que la tradition attribue à Mahomet : celle d’une ophtalmie. Le prophète de l’Islam crache dans les yeux d’Ali en invoquant Allah et celui-ci guérit aussitôt. Cette pratique ancestrale est encore utilisée de nos jours avec quelques succès dans le traitement des ophtalmies par certaines tribus africaines. Chez Jean l’évangéliste, Jésus crache à terre et confectionne un cataplasme de boue dont il enduit les yeux d’un aveugle. C’est un remède également signalé et utilisé par les médecins de l’Antiquité.

 

Force est donc de reconnaître que ni Jésus, ni les médecins de son temps n’étaient de parfaits ignorants. L’attitude commune qui consiste à systématiquement rejeter comme ineptes les pratiques d’antan et à ériger le présent comme un modèle de perfection, comme l’aboutissement du savoir et de la sagesse, n’est pas justifiée. Les Anciens, qu’ils soient médecins, chirurgiens ou philosophes, ont encore à nous apprendre.

 

« En résumé, écrit Celsus (médecin romain contemporain de Jésus) au sujet du traitement des ophtalmies, lorsqu’on a passé en revue tout ce que les médecins ont écrit à ce sujet, il est facile de reconnaître que parmi les affections dont nous avons parlé, il n’en est pas une peut-être qu’on ne puisse guérir aussi bien par des remèdes très simples, et qui se trouvent pour ainsi dire sous la main. »

Traité de la médecine VI, vi, 39.

(à suivre)

Suite de larticle (4/6) :

Partie précédente de larticle (2/6) :

Voir également :

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article