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Recherches historiques autour de la Bible, de Jésus et des premiers chrétiens

Le sacrifice du fils d’Abraham dans le Coran : Isaac ou Ismaël ?

 

Le sacrifice d’Isaac, le Dominiquin (1627-1628)

Le sacrifice du fils d’Abraham dans le Coran : Isaac ou Ismaël ?

Dans mon étude sur Jésus dans le Talmud et la littérature rabbinique ancienne (Turnhout, Brepols, 2012) j’ai rédigé une courte note (p. 313, note 412) sur la question coranique de l’identité du fils d’Abraham demandé par Allah en sacrifice. S’agissait-il d’Isaac ou d’Ismaël ? Cette note avait partiellement été citée sur Wikipédia avant d’être définitivement supprimée par une main anonyme visiblement agacée par son contenu. Ennemi de toute censure, sauf lorsqu’elle est vraiment justifiée, je la reproduis donc ici dans son intégralité :

Contrairement à une idée reçue, la tradition islamique primitive ne connaît pas de sacrifice d’Ismaël. Dans le Coran, le fils annoncé à Abraham est Isaac (comparer Sourates 37, 99 et 112 et 11, 74) et c’est bien lui que son père s’apprête à immoler (37, 97-113). La substitution d’Ismaël à Isaac, postérieure à la prédication de Mahomet et à la rédaction du Coran, est une réponse tardive aux prétentions d’élection d’Israël et au refus des Juifs de se convertir à l’Islam. Pour les musulmans que Jean Damascène côtoie (viie-viiie siècle), le fils promis au sacrifice est encore le seul Isaac (Hérésie 100, 5) : Jean Damascène, Écrits sur l’Islam, traduction R. Le Coz, Paris, 1992, p. 219 (SC 383). Tabari (ixe-xe siècle), en revanche, connaît parfaitement les deux traditions (Isaac ou Ismaël) et se prononce en faveur de la seconde : Tabari, La Chronique, traduction H. Zotenberg, vol. I, t. 1, Arles, 1984, p. 157-165.

J’ajoute ici que, dans la mesure où l’Islam s’inscrit dans la lignée du judaïsme, du judéo-christianisme et/ou du christianisme, je ne vois pas comment n’en déplaise aux commentateurs musulmans postérieurs le fils d’Abraham prévu pour le sacrifice aurait pu être différent, pour Mahomet et la tradition islamique primitive, de celui que tous les manuscrits de la Bible et des centaines de textes juifs, judéo-chrétiens et chrétiens présentent comme étant Isaac. Ce n’est pas avant le ixe siècle qu’Isaac commence progressivement à être remplacé par Ismaël par les auteurs musulmans. Mais il ne faut pas confondre ce qui se trouve effectivement dans le Coran – et dont je prends acte – avec ce que l’exégèse postérieure lui fait dire.

Comme l’a écrit, en 1906, la Britannique Evelyn Beatrice Hall résumant parfaitement la pensée de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire ». 

Thierry Murcia, PhD.

Sourate 37, 100-113

La traduction est celle qui figure sur le site : http://www.islam-fr.com/coran/francais/37

 

Seul le contenu de certaines parenthèses signalé en rouge qui ne figure pas dans le texte coranique mais qui en oriente la lecture, a été ajouté ou modifié (mutatis mutandis) :

100. « … Seigneur, fais-moi don d’une [progéniture] d’entre les vertueux ».

101. Nous lui fîmes donc la bonne annonce d’un garçon (Isaac) longanime[1].

102. Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, [Abraham] dit : « Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses ». (Isaac) dit : « Ô mon cher père, fais ce qui t’est commandé : tu me trouveras, s’il plaît à Dieu, du nombre des endurants ».

103. Puis quand tous deux se furent soumis (à l’ordre de Dieu) et qu’il l’eut jeté sur le front,

104. voilà que Nous l’appelâmes « Abraham !

105. Tu as confirmé la vision. C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants ».

106. C’était là certes, l’épreuve manifeste.

107. Et Nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse.

108. Et Nous perpétuâmes son renom dans la postérité :

109. « Paix sur Abraham ».

110. Ainsi récompensons-Nous les bienfaisants ;

111. car il était de Nos serviteurs croyants.

112. Nous lui (à Abraham) fîmes la bonne annonce d’Isaac comme prophète d’entre les gens vertueux.

113. Et Nous le (Abraham) bénîmes ainsi que Isaac. Parmi leurs descendances il y a [l’homme] de bien et celui qui est manifestement injuste envers lui-même.


[1] Cf. Sourate 11, 71 : « Nous lui annonçâmes donc (la naissance d’)Isaac, et après Isaac, Jacob ».

Pour aller plus loin :

 Isaac ou Ismaël — Qui était le fils du sacrifice ?

Un article dAlexandre Salomon

 

Voir également :

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C
Ça ne vous pose pas un petit problème ce passage "nous lui fimes l'annonce d'isaac ????puis de Jacob" idem pour la bible " annonce de la naissance d'isaac et d'une postérité après lui" donc marié????????????
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T
Au contraire, ça me semble logique, je ne vois pas ici que Dieu annonce à Abraham qu'Isaac va naître :<br /> "112. Nous lui (à Abraham) fîmes la bonne annonce d’Isaac comme prophète d’entre les gens vertueux. <br /> 113. Et Nous le (Abraham) bénîmes ainsi que Isaac." <br /> Je comprends que Dieu annonce à Abraham qu'Isaac, qu'il vient d'épargner, sera un "prophète d'entre les gens vertueux". Puis il le bénit, ainsi que son fils qui vient d'échapper à la mort et auquel il promet une descendance.
D
La substitution progressive d'Isaac par Ismaël au moment des premiers califats ne marque t-il pas un des actes de rupture définitif avec le judaïsme surtout mais aussi avec le christianisme? Acte de rupture marquant un acte politique d'affirmation du seul héritage légitime et donc de la supériorité de l'islam sur les autres traditions des « gens du Livre », justifiant les conquêtes et la dhimmitude mais aussi provoquant un état de ressentiment allant jusqu'au comportement victimaire des musulmans vivants en Dar al-Harb puisque leur supériorité ne va pas de soi.
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