29 Novembre 2018
Paul sur le chemin de Damas
Extrait de : Marie appelée la Magdaléenne – ier - viiie siècle – Entre Traditions et Histoire, Aix-en Provence, Presses universitaires de Provence, 2017, p. 319-320.
Le cas de Paul se doit également d’être évoqué. Si d’autres pathologies ont également été suggérées dans son cas (ophtalmie purulente, épilepsie, voire thalassémie), de bons arguments ont été développés, il y a un peu plus d’un siècle, par l’archéologue écossais William Mitchell Ramsay, montrant que le mal chronique dont il était victime devait être la malaria[1]. Et le père Ernest-Bernard Allo, qui a consacré à cette seule question un développement d’une quinzaine de pages[2], en est arrivé aux mêmes conclusions :
C’était une maladie chronique, à peu près continue en ses manifestations ; elle humiliait Paul à ses propres yeux, et à ceux d’autrui souvent, par l’état de dépression et d’impuissance relative où elle le réduisait ; elle pouvait entraîner des accès mortels, et c’est d’une telle menace que Paul parle au commencement de son épître, et dont le souvenir colore encore les chapitres IV et V […] Ces caractères excluent des affections purement locales, comme ‟ophtalmie” et le reste, qui ne vont pas à la mort ; et toute l’histoire de l’Apôtre exclut aussi celles du genre ‟épilepsie” ou ‟hystérie”, qui auraient à peu près sûrement altéré ses facultés intellectuelles et morales […] Nous conclurons, comme le plus probable, qu’il s’agit de fièvres paludéennes, à ‟accès pernicieux”, contractées dans les voyages d’Asie[3].
Lorsqu’il aborde ce douloureux sujet, l’Apôtre en parle comme d’une ‟écharde” ou plutôt comme d’un ‟pieu” ou d’un ‟pal” (σκόλοψ) enfoncé dans sa chair. Ici, commentent Georges Godet et Paul Comtesse :
Le σκόλοψ est personnifié, c’est un envoyé de Satan, son agent[4].
C’est ainsi, en effet, que Paul identifie le responsable supposé du mal dont il souffre : un ‟ange de Satan chargé de [le] souffleter” (2 Corinthiens 12, 7). Malgré ses prières, confie-t-il, ce messager démoniaque revenait périodiquement à la charge pour le torturer (2 Corinthiens 12, 8-9). Et c’est lors d’une de ces fameuses crises que Paul annonce pour la première fois l’Évangile aux Galates. Dans la lettre qu’il leur adresse, l’Apôtre oppose alors, par antithèse, à l’oppression de cet ‟ange de Satan”, l’accueil digne d’un ‟ange de Dieu” qu’ils lui ont réservé (Galates 4, 13-14). Paul s’en félicite et les loue plus spécialement de s’être abstenus de ‟cracher” devant lui (Galates 4, 14). Mieux qu’une simple marque de dégoût ou de mépris – comme l’ont compris la plupart des traducteurs – il faut plutôt y voir ici une forme de conjuration : un geste de rejet superstitieux visant à se protéger de l’esprit maléfique qui était censé avoir pris possession du corps du malade ou qui, du moins, le tourmentait.
[1] William Mitchell Ramsay, St. Paul the Traveler and the Roman Citizen, Grand Rapids (Michigan), Christian Classics Ethereal Library, 2000 [1895], p. 54-56.
[2] Ernest-Bernard Allo, Saint Paul. Seconde Épître aux Corinthiens, Paris, Lecoffre / Gabalda, 1937, p.310-323.
[3] Ernest-Bernard Allo, Saint Paul. Seconde Épître aux Corinthiens, Paris, Lecoffre / Gabalda, 1937, p. 311.
[4] Georges Godet, Paul Comtesse, Commentaire sur la Seconde Épître aux Corinthiens, Neuchâtel, Attinger Frères, 1914, p. 512.
Voir également :
Les sept démons de Marie de Magdala - Marie appelée la Magdaléenne (Marie, Marie-Madeleine)
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