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Recherches historiques autour de la Bible, de Jésus et des premiers chrétiens

Qu’est devenue l’Arche d’Alliance ? (2/3)

Les Aventuriers de lArche perdue (1981)

Qu’est devenue l’Arche d’Alliance ? (2/3)

 

 

Mais comment, lors du sac du Temple en 587, l’Arche sur laquelle la gloire du Dieu d’Israël était censée reposer aurait-elle pu disparaître à l’insu de tous ? C’était un objet volumineux et lourd, et surtout, précieux entre tous. Et si le rédacteur du 2e Livre des Rois connaissait le sort subi par l’Arche pourquoi n’en dit-il rien ? Soit celle-ci a été prise par les Babyloniens (et éventuellement détruite), soit elle a été déplacée avant le sac du Temple et cachée par les prêtres. Mais Jérusalem était encerclée et nul doute qui si les prêtres avaient tenté de la dissimuler, les Babyloniens – qui connaissaient son existence – auraient tout mis en œuvre, avant de raser le Temple, pour mettre la main sur elle. Personne, d’ailleurs, à l’exception du grand prêtre (et une seule fois par an lors de Yom Kippour), n’était autorisé – sous peine de mort – à pénétrer dans le Saint des Saints où l’Arche reposait. Même animé des meilleurs sentiments, nul Juif, fût-il lévite ou prêtre, ne se serait donc risqué à profaner le Saint des Saints ni à porter la main sur l’Arche du dieu d’Israël (cf. II Samuel VI, 6-8). Celle-ci, d’ailleurs, n’était-elle pas justement censée protéger la Ville sainte ? Au moment de la rédaction du 2e Livre des Rois, pourtant, Jérusalem est prise et le Temple de Yahweh mis à sac et ce, malgré la présence de l’Arche. Des faits suffisamment douloureux et humiliants pour le rapporteur, implicitement contraint d’admettre que celle-ci avait donc définitivement cessé de jouer son rôle protecteur.

 

Toujours est-il que, pour les Babyloniens victorieux, le constat était simple : leurs dieux avaient eu raison du dieu des Judéens qui s’était révélé incapable de défendre son peuple et son Temple[1]. L’Arche du dieu vaincu pouvait donc sans crainte être détruite et son métal récupéré. Les tables de la Loi – de pierre – n’avaient aucune valeur marchande : elles ont dû être aussitôt brisées. Vidée de son contenu, l’Arche a-t-elle, elle aussi, été mise en pièces, avec le mobilier le plus encombrant, avant d’être dépouillée de son précieux métal (voir II Rois XXV, 13) ? L’auteur du 2e Livre des Rois précise que, lors du sac de Jérusalem en 598-597 av. J.-C., Nabuchodonosor « emporta tous les trésors du Temple de Yahweh et les trésors du palais royal et il brisa tous les objets d’or que Salomon, roi d’Israël, avait fabriqués pour le sanctuaire de Yahweh, comme l’avait annoncé Yahweh. » (II Rois XXIV, 13). N’auraient donc alors été détruits que « les objets d’or que Salomon, roi d’Israël, avait fabriqués pour le sanctuaire de Yahweh ». L’Arche qui, d’après la Bible, avait été conçue du temps de Moïse, n’en faisait pas partie. Elle est comprise dans « les trésors du Temple de Yahweh », dont parle également le rédacteur et qui, selon lui, ont tous été emportés à Babylone lors du sac.

 

Lors du second pillage[2], en 587 av. J.-C., il est cette fois spécifié que « tous les objets du Temple de Dieu, grands et petits, les trésors du Temple de Yahweh, les trésors du roi et de ses officiers, il emporta le tout à Babylone » (II Chroniques XXXVI, 18). Rien ne fut donc laissé ni brisé sur place ainsi qu’on peut également le lire en II Rois XX, 17 et en Isaïe XXXIX, 6 : « Des jours viennent où tout ce qui est dans ton palais, tout ce qu’ont amassé tes pères jusqu’à ce jour, sera emporté à Babylone, rien ne sera laissé, dit Yahweh. »

 

Il ressort de ces textes que l’Arche est sans doute demeurée intacte jusqu’à son transport comme trophée, à Babylone, avec d’autres ustensiles (II Rois XXV, 14-15). Mais, contrairement aux autres objets de culte, tels qu’urnes, vases ou encensoirs, le coffre n’était d’aucune utilité pour les conquérants. Car, au final, seul l’or qu’elle contenait – d’une grande pureté – présentait pour eux un réel intérêt. Et le fait est qu’un demi-siècle plus tard, le vainqueur de Babylone, le roi de Perse Cyrus, quoiqu’animé des meilleures intentions envers les Judéens, ne sera pas en mesure de leur restituer le précieux objet. C’est ainsi que le Saint des Saints du Temple reconstruit de retour d’exil (après 539 av. J.-C.) demeura vide. Rédigé au ier siècle apr. J.-C., le 4e Livre d’Esdras, conserve encore le douloureux souvenir de cette perte inestimable :

 

« Notre sanctuaire est abandonné, notre autel renversé, notre temple détruit.

Nos harpes gisent à terre, nos hymnes se sont tus, nos fêtes ont cessé. La lumière de notre chandelier est éteinte, l’arche de notre alliance a été pillée. »

 

IV Esdras X, 21-22.

 

À partir du iie siècle av. J.-C., diverses légendes commencèrent à circuler. La plus ancienne, qui nous a été conservée par l’auteur du 2e Livre des Maccabées, met en scène le prophète Jérémie :

 

« On trouve dans les documents que le prophète Jérémie donna aux déportés l’ordre de prendre du feu, comme on l’a indiqué, et comment, leur ayant donné la Loi, le prophète recommanda à ceux qu’on emmenait de ne pas oublier les préceptes du Seigneur et de ne pas s’égarer dans leurs pensées en voyant des statues d’or et d’argent et les ornements dont elles étaient revêtues. Entre autres conseils analogues, il leur adressa celui de ne pas laisser la Loi s’éloigner de leur cœur. Il y avait dans cet écrit que, averti par un oracle, le prophète se fit accompagner par la tente et l’Arche, lorsqu’il se rendit à la montagne où Moïse, étant monté, contempla l’héritage de Dieu. Arrivé là, Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l’Arche, l’autel des parfums, puis il en obstrua l’entrée. Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver. Ce qu’apprenant, Jérémie leur fit des reproches : “Ce lieu sera inconnu, dit-il, jusqu’à ce que Dieu ait opéré le rassemblement de son peuple et lui ait fait miséricorde. Alors le Seigneur manifestera de nouveau ces objets, la gloire du Seigneur apparaîtra ainsi que la Nuée, comme elle se montra au temps de Moïse et quand Salomon pria pour que le Saint lieu fût glorieusement consacré.” »

 

II Maccabées II, 1-8.

 

Selon cet écrit, le prophète Jérémie aurait anticipé la destruction du Temple et mis l’Arche en lieu sûr dans un endroit connu de lui seul. D’après les Paralipomènes de Jérémie, un autre pseudépigraphe, ce prétendu sauvetage aurait eu lieu la nuit précédant l’encerclement de Jérusalem par les troupes de Nabuchodonosor :

 

« Jérémie dit : “Voici, Seigneur, qu’à présent nous savons que tu livreras la ville aux mains de ses ennemis et qu’ils emmèneront le peuple à Babylone. Que ferons-nous de tes choses saintes ou des vases sacrés de ton culte, que veux-tu que nous en fassions ?” Le Seigneur lui répondit : “Prends-les, et confie-les à la terre et à l’autel en disant : ''Écoute, Terre, la voix de celui qui t’a créée dans l’abondance des eaux, qui t’a scellée avec sept sceaux en sept moments, et après quoi tu recevras ta parure. Garde les ustensiles du culte jusqu’au rassemblement du bien-aimé''” […] Jérémie et Baruch entrèrent dans le sanctuaire, et confièrent à la terre les vases du culte comme le Seigneur le leur avait demandé. Et aussitôt la terre les engloutit. Alors tous les deux s’assirent et pleurèrent. »

 

Paralipomènes de Jérémie, III, 6-8, 14.

 

L’entrée incongrue de Jérémie dans le sanctuaire semble moins problématique dans ce document que dans le précédent. En effet, comme nous l’avons dit, en dehors du grand prêtre à Yom Kippour (Lévitique XVI, 2 ; Hébreux IX, 7), personne n’était autorisé, sous peine de mort, à pénétrer dans le Saint des Saints. Or, même si l’Arche doit naturellement être comprise dans les « choses saintes » dont parle l’auteur, celle-ci n’est pas expressément mentionnée dans les Paralipomènes. Jérémie aurait donc pu ne pénétrer que dans le Saint, sans aller jusqu’au Saint des Saints, la partie la plus reculée du Temple où seul le grand prêtre avait accès et où l’Arche était remisée. Mais le narrateur, qui tient à sauver le saint coffre et tous les ustensiles, ne laisse rien au hasard. Anticipant les éventuelles objections, il recourt à divers subterfuges. Il n’hésite pas à faire du prophète Jérémie un « grand prêtre » (Paralipomènes de Jérémie, V, 18 ; IX, 2), fait intervenir Dieu personnellement et recourt au merveilleux : c’est la terre elle-même qui s’ouvre miraculeusement pour dissimuler les objets sacrés en son sein…

 

Dans un récit parallèle, alors que Jérusalem est encerclée, c’est un ange qui est dépêché par Dieu pour sauver l’Arche (le « propitiatoire », c’est-à-dire à proprement parler, le couvercle de l’Arche, et par synecdoque, l’Arche elle-même) et les objets du culte :

 

« Et je le vis descendre dans le Saint des Saints, y prendre le voile, l’éphod saint, le propitiatoire, les deux tables, le vêtement sacré des prêtres, l’autel des parfums, les quarante-huit pierres précieuses que portait le prêtre et tous les vases saints du tabernacle. Et il cria à la terre d’une grande voix : “Terre, terre, terre, écoute la parole du Dieu puissant, reçois les choses que je te confie et garde-les jusqu’aux derniers temps, pour les rendre quand tu en recevras l’ordre, afin que les étrangers ne s’en emparent pas. Car le moment est venu où Jérusalem sera livrée pour un temps, jusqu’à ce qu’on dise qu’elle soit restaurée pour toujours.” Et la terre ouvrit sa bouche et les engloutit. »

 

II Baruch, VI, 7-10. 

(à suivre)


[1] Les peuples de l’Antiquité se croyaient soutenus par leurs dieux respectifs et l’issue d’une guerre était censée dépendre de la puissance des dieux de chacun.

[2] Le troisième si l’on se réfère à II Chroniques XXXVI, 7.

Fin de larticle (3/3) :

Début de larticle (1/3) :

Voir également :

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